Regard sur le musée
La RARe 22 (Résidence d’Artistes des Récupérathèques) s'est installée depuis mi-avril au centre d’art de Vénissieux, partenaire essentiel de l’événement, transformé pour l’occasion en atelier ouvert, et en collaboration avec le musée des Tissus qui tisse de beaux liens avec la création contemporaine.
Cette année, avec le textile comme thème central, les collections du musée offrent naturellement un point de départ à l’inspiration des artistes. Retour aux origines du projet.
Les récupérathèques sont des espaces collaboratifs dédiés à l’échange de matériaux de réemploi au sein d’une communauté de créateurs, et autogérés par ses utilisateurs.
La résidence d’artistes (RARe) constitue un temps fort pour mettre leur action en pratique et sous la lumière.
Le textile est au centre de cette première édition. D’abord parce qu’il est une source de pollution intensive – c’est le second facteur de pollution de l’eau - ensuite, parce qu’il est partout, se porte et se transporte facilement, matière souple dotée d’une grande variété de matériaux.
Comment créer avec les contraintes et les possibles du monde d’aujourd’hui ? La création peut-elle être génératrice de lien et de transmission ? Les questions se posent aux futurs créateurs.
La RARe est précieuse en ce qu’elle permet de requestionner leurs processus artistiques à travers une démarche d’éco-conception et d’interaction. Elle s’ancre dans un territoire et joue avec les gisements de matériaux et les ressources humaines dont il dispose. Vénissieux, son histoire industrielle, sa population, son architecture sont autant d’éléments clés pour la manifestation. Car s’il s’agit également de faire travailler ensemble artistes et designers, les habitants sont également conviés à y participer.
Cette année, 6 jeunes artistes (jeunes diplômés et étudiants des écoles de création dotées d’une récupérathèque) sont donc en résidence.
L’inventivité des jeunes créateurs s’enrichit dans l’idée du compagnonnage, de la transmission. Car, le bon usage des matériaux nécessite de bien les connaitre. Ainsi, 3 artistes confirmés (designer textile, artiste documentariste -photographe, artiste performer) sont invités pour transmettre leur savoir-faire, leur connaissance de la matière.
Qu’il s’agisse de se saisir d’éléments d’architecture comme métier à tisser, de travailler sur une scénographie qui relie chaque création sous la forme d’un jeu de plateau, de créer des toiles à partir de chutes de tissus, de composer une bibliothèque de formes inspirées de la découverte des lieux, de proposer un patchwork circulaire comme support à la symbiose entre les espèces, tout est volonté d’inventer, de « fabriquer » un récit collectif dans le partage d’idées.
RARe et précieuse, donc. Le textile est définitivement une matière à récits !
Informations pratiques
Où : Centre d’art Madeleine Lambert, Vénissieux
Vernissage : vendredi 22 avril à 18h00
Exposition : du 23/04 au 30/04/2022, tous les mercredis, jeudis, vendredis et samedis de 14h à 18h.
La manifestation est soutenue par : la fédération des Récupérathèques, le centre d’art Madelaine-Lambert, la ville de Vénissieux, le Fonds Germes – Prix Coup de pousse, la Métropole de Lyon, L’espoir au Soudan, L’ENSBA, le musée des Tissus.
Thank Gown it’s Friday ! Souriez, c'est vendredi.
Thank Gown it’s Friday ! Souriez, c'est vendredi.
Elles sont 5, Eva, Maëla, Jolie, Fernanda, Alix, étudiantes en master 1 « Mode et Communication », au sein de l‘université de la mode, filière de l’université Lumière Lyon 2, et tous les vendredis viennent secouer les collections du musée !
Elles sont 5, comme les doigts de la main. À ce groupe, elles apportent un atout majeur : 3 provenances géographiques (France, Mexique, Liban), et 4 langues écrites et parlées (français, anglais, espagnol et arabe). Chapeau, on lève le pouce d’enthousiasme !
Dans le cadre d’un travail de groupe, en lien avec le musée de Tissus, elles animent le compte Thank Gown it’s Friday sur Insta et TikTok (@thankgownitsfriday) qui, tous les vendredis - le 5ème jour de la semaine -, offre un regard décalé sur nos collections.
Du musée, fermé aujourd’hui pour travaux, elles louent la richesse de ses collections et sa capacité à faire le lien entre savoir-faire historique et tendances actuelles : tissus d’ameublement, d’habillement, costumes, arts décoratifs, arts graphiques, et surtout plusieurs siècles de production, témoignages d’une histoire mondiale mais aussi d’une histoire lyonnaise. Une grande diversité qui, sans aucun doute, donnerait quelques envies à « Emily in Paris » de vivre « in Lyon » pour respirer l’air créatif de la ville.
Elles sont 5 donc, comme les sens ! Ça tombe bien, car nul n’ignore combien les tissus ont à voir avec les sens. Ce n’est pas qu’affaire de goût ! L’une nous émeut en nous rappelant le plaisir éprouvé au contact du velours, comme une caresse, et son admiration pour ses reflets changeants. Une autre évoque sa fascination pour le taffetas et sa « musique » si particulière. Une troisième nous parle du cachemire pour sa douceur au contact de la peau, il est aussi question du Denim, tissu magique et adaptable, de la moire, ondulante et chatoyante. Aujourd’hui, elles revisitent les œuvres du musée, nous nous laissons guider sans réserve. Give me five !
Suivons donc le compte TGIF, car chaque semaine réserve sa surprise et souhaitons leur bonne route pour leur bac + 5, prochaine étape de leur parcours.
Décors et Âmes
DÉCORS ET ÂMES
Le musée des Tissus est plus qu’un musée, c’est un lieu de vie, d’inspiration et d’étude. En 2021, Conceptuwall, éditeur de décor mural implanté dans le quartier d’Ainay a sollicité le musée des Tissus et puisé son inspiration parmi des œuvres majeures de notre collection textile pour développer sa nouvelle gamme.
Dialoguer avec des œuvres pour faire parler les murs…
C’est ce qui anime Patrick et Laurence Chavanne, les deux fondateurs de Conceptuwall, créateur de décors muraux panoramiques. Depuis 2006, Conceptuwall remet au goût du jour, grâce à l’impression numérique, un savoir-faire hérité des manufactures du XIXe telles que Zuber et Dufour.
« Avec cette technique d’impression, explique Patrick, on fait du sur mesure sans stock, nul besoin d’imprimer en quantité. Le panoramique est au service d’un espace, s’adapte au projet, à la demande du client, sans perte ».
Aujourd’hui, Conceptuwall enrichit ses collections grâce à une collaboration inédite avec le musée des Tissus. Cette dernière s’est imposée comme une évidence. D’abord parce que le musée est voisin de l’atelier installé à quelques rues de l’établissement, dans le 2ème arrondissement de Lyon, ensuite parce qu’un foisonnant patrimoine d’œuvres textiles et graphiques y repose.
Pour que vive le patrimoine du musée à travers le temps
Des œuvres découvertes à l’occasion de visites au musée, riches de couleurs qui éveillent l’œil, de motifs qui interpellent et que le temps laisse infuser jusqu’à la naissance d’un projet : revisiter des pièces majeures du musée, les comprendre et finalement, les réinterpréter pour que perdure ce patrimoine à travers le temps.
« Le temps justement, nous explique Laurence qui retravaille les dessins, est une ressource importante, un allié de la création. Il faut d’abord savoir les choisir, percevoir comment ces œuvres peuvent s’adapter à un mur, tenir compte de la lumière, des meubles qui occupent l’espace... En investissant une surface verticale, l’œuvre doit devenir accessible, contemporaine, passer du statut d’œuvre d’art à celui d’œuvre décorative, créatrice d’ambiance. C’est pourquoi le choix des dessins est long, qui plus est dans un musée doté d’une collection exceptionnelle. On peut passer des heures dans ce musée.
Réinterpréter les œuvres
Il faut ensuite se laisser habiter par l’esprit de l’œuvre retenue. A partir d’un dessin figé sur du tissu, le temps et l’imagination laissent place à une œuvre nouvelle, réinventée : Comment je vais le redessiner pour me l’approprier, comment je décompose les motifs, les couleurs, comment je lisse les traits pour faire des aplats de couleurs… toutes ces questions doivent trouver réponse au bout du stylet. Chaque élément, fleur, papillon, plume… est isolé pour recomposer une œuvre et imaginer son propre bouquet.
Conceptuwall ne reproduit pas mais réinterprète, c’est là tout le supplément d’âme apporté par les fondateurs. Leur sensibilité et une certaine « poétique des lieux », se dégagent de leurs décors.
Le présent revisite le passé
« Agir sur les murs, avec cette dimension panoramique, c’est modifier, bouleverser un espace, et pour cela, assumer une certaine d’audace. Le choix des couleurs est une étape difficile et fondamentale dans le processus de création, il faut projeter l’œuvre dans la modernité, tout en gardant l’esprit classique avec des tons lumineux et pétillants » complètent-ils.
Avec cette collection, Conceptuwall fait le lien entre l’esprit artisanal du XIXe siècle et les techniques contemporaines. Dans ce dialogue entre passé et présent, entre patrimoine et modernité, les chefs d’œuvres historiques demeurent intensément vivants en se réinventant.
Et demain…
Demain, Laurence aimerait pouvoir travailler à partir d’un projet de tenture, peinture à la gouache sur papier, réalisée par l’un des grands dessinateurs de la Fabrique lyonnaise, Jean-Francois Bony (1754 – 1825), preuve que la flamme de la Grande Fabrique lyonnaise continue d’éclairer les âmes créatrices. Elle aimerait également pouvoir conserver ce bien précieux qu’est le temps, indispensable ressource pour que demeure la qualité des savoir-faire artisanaux.
Enfin, Conceptuwall espère mener des collaborations avec d’autres grands musées pour réenchanter l’espace et transmettre des chefs d’œuvres imaginés par les grands artistes des XVIIIe et XIXe siècles.
Si les murs ont des oreilles, qu’ils nous écoutent et fassent passer le message !
DES ÉTOILES DANS LES YEUX
DES ÉTOILES DANS LES YEUX
Avec son projet « Dance in Lyon », il magnifie des lieux emblématiques de la ville de Lyon avec des danseurs et danseuses professionnelles. Le photographe Yanis Ourabah est venu porter un œil enchanteur sur le musée des Tissus. Lumière sur cette rencontre…
« Ma démarche est multiple : faire sortir la danse des studios, faire découvrir cet art au plus grand nombre, mettre de la légèreté dans nos environnements urbains et bétonnés, et montrer notre patrimoine lyonnais sous un angle différent.
Je n’étais encore jamais allé au musée des Tissus ! Pourtant je suis Lyonnais, et je suis passé devant des centaines de fois ! Je n'avais aperçu que la façade principale mais j'ignorais tout de l'intérieur. Je me suis toujours imaginé un lieu sombre et austère, rempli de poussières et de vieilles robes...mais la vérité est toute autre.
Dès mon repérage, je suis tombé sous le charme du lieu. Une fois la porte principale franchie, on découvre un endroit calme, avec des pavés, de la verdure et une architecture splendide. A l'intérieur on trouve des salles pleines de charme, des escaliers imposants et des salles inattendues comme celle avec le sol en pierre rose. Les grandes salles m'ont tout de suite donné envie de mettre en valeur leur volume et leur architecture atypique, les pièces plus petites donnent envie d'utiliser tout ce qui est à notre disposition : les portes, les fenêtres, les murs, le sol...tout est exploitable! j'aimerais rester des heures ! »
Pour aller plus loin et découvrir le travail de Yanis Ourabah :
www.yanisourabah.com
@dance_in_lyon
Quand la médiation aide à (re)bâtir les souvenirs
Dans le cadre de l’appel à projet « Culture et Santé », l’EHPAD les amandines, situé dans le 5éme arrondissement de Lyon, quartier Saint-Irénée, en partenariat avec le service culturel et pédagogique, a lancé une belle dynamique autour de son établissement et de la thématique du tissu. Avec le musée, cela va de soie …
Au cœur de ces belles initiatives, Clara Pizzolo, animatrice au sein de l’EHPAD a porté ces actions avec Cécile Demoncept, responsable du service culturel du musée.
Au départ, une envie commune : relier tissu et sens.
Le toucher en donnant la possibilité aux participants de s’approprier la matière textile, l’odorat, par des ateliers autour de l’art floral, motif très présent dans les œuvres du musée, l’ouïe, car le tissu et sa fabrication émettent des sons très particuliers selon leur composition, et la vue, bien entendu.
De la conception du projet aux premières actions, se sont tissés des liens, entre les acteurs culturels du quartier : Nouvel Institut Franco-Chinois, dans lequel les résidents se sont rendus à deux reprises, l’ENSATT, d’où de jeunes comédiens sont issus et se déplaceront en voisins lire quelques textes, jusqu’au Parc de la Tête d’Or, car l’art floral n’est jamais très éloigné du tissu, comme en témoignent les collections du musée.
Au Nouvel Institut Franco-Chinois, deux visites ont été organisées, permettant aux résidents de comprendre toutes les étapes de fabrication de la soie. Une rencontre autour des plaques de dessiccateurs prêtées par le musée, prolongée ensuite par une visite dans le Vieux Lyon pour évoquer les routes de la soie.
A parc de la Tête d’Or, les visiteurs ont pu s’enivrer des doux parfums des fleurs, et s’initier à l’art floral.
Au sein même de l’EHPAD, une conférencière a animé un atelier très participatif autour du toucher, mais aussi autour des collections du musée, auprès d’un public conquis, essentiellement féminin, mais pas que. Car chacun renoue à sa façon avec l’envie d’apprendre, avec une histoire passée, très présente par la force des souvenirs. Les résidentes, dont beaucoup sont nées dans les années 1930, ont eu un rapport très étroit avec le tissu ; la plupart cousait, confectionnait leur propre vêtement, créait…
Un vécu qui ne demande qu’à être réactivé, des souvenirs décousus, à recoudre…
Chaque contact avec tel ou tel tissu stimule, réveille les souvenirs et favorise les échanges. En se reconnectant à leur histoire, à leur savoir et savoir-faire, les participants renouent avec l’estime et la confiance.
« C’est essentiel, confie Clara, la perte progressive d’autonomie joue sur l’estime de soi, cet atelier leur permet de retrouver une part importante de leur vie, de se mettre « en valeur. L’atelier du toucher fait remonter des souvenirs chez les résidents, le contact des tissus réactive leur mémoire ».
Le projet jusqu’à présent a très bien fonctionné et va se poursuivre avec d’autres initiatives, conférences, visites.
« les résidents sont très heureux, cela a permis de créer une dynamique dans le quartier, l’établissement s’ouvre sur l’extérieur, après deux années difficiles de confinement. Les résidents croisent d’autres personnes, échangent et se déplacent à pied ! Et surtout, nombreux sont ceux qui ont fréquenté en visiteurs le musée des Tissus et s’enthousiasment du fait qu’à présent, c’est le musée qui vient à eux ».