DANS LES COULISSES DE L’ATELIER DE RESTAURATION

1/4
  • micro-aspiration à travers un tulle en nylon  © © Lyon, musée des Tissus et des Arts décoratifs — D.R.
  • application de la crêpeline teinte à la couleur  © © Lyon, musée des Tissus et des Arts décoratifs — D.R.
  • détail d'un éventail AVANT restauration © © Lyon, musée des Tissus et des Arts décoratifs — D.R.
  • détail d'un éventail APRÈS restauration © © Lyon, musée des Tissus et des Arts décoratifs — D.R.
micro-aspiration à travers un tulle en nylon
© Lyon, musée des Tissus et des Arts décoratifs — D.R.
application de la crêpeline teinte à la couleur
© Lyon, musée des Tissus et des Arts décoratifs — D.R.
détail d'un éventail AVANT restauration
© Lyon, musée des Tissus et des Arts décoratifs — D.R.
détail d'un éventail APRÈS restauration
© Lyon, musée des Tissus et des Arts décoratifs — D.R.

RESTAURATION DU KIMONO

Dans l’intimité de l’atelier, ce Kimono a bénéficié d’une restauration par les mains expertes de Lisa-Charlotte Lardeau, restauratrice du patrimoine, avant de rejoindre le musée Crozatier où il est dévoilé dans l’exposition Japon : Archipel des Arts, jusqu’au 04 janvier 2026.


  REGARD SUR L’ŒUVRE

Provenant de la collection personnelle de Mariano Fortuny, ce précieux kimono est entré dans les collections en 1875.

À l’extérieur, son étoffe façonnée est parsemée de fleurs et d’éventails multicolores déployés évoquant une brise légère et dont l’orientation varie en fonction du côté droit et gauche. Cette composition est créée par des trames lancées et brochées de soies floches polychromes, ainsi que des lamelles de papier doré. À l’intérieur, sa doublure est en taffetas orange.


  SON ÉTAT DE CONSERVATION

Conservé depuis 150 ans par le musée, ce kimono présente un bon état général. Après un examen minutieux, notre restauratrice relève un léger aspect grisâtre et des traces de saletés sur sa surface. La doublure présente également des zones poussiéreuses et certaines de décoloration. Elle observe un affadissement des couleurs et une fragilité de nombreux fils, notamment ceux des trames supplémentaires de soies floches, très exposées aux frottements et aux manipulations. Certains motifs et l’or des trames présentent de légers signes d’usure ou de lacune. Certaines coutures entre la doublure et le tissu sont ouvertes et un pli horizontal marque le milieu du dos.

Son intérêt se porte sur les motifs en soie marron foncé, les plus dégradés. En effet, dans ces zones, les fils de soies ont pratiquement disparu, effaçant le motif. Probablement un effet secondaire du mordant utilisé pour fixer la couleur avant d’être teint.


  LES ÉTAPES DE SA RESTAURATION

Patience, soin et minutie ont guidé chaque étape de l’intervention de restauration du kimono.

Pour commencer, le costume est entièrement dépoussiéré par micro-aspiration à travers un tulle en nylon afin de protéger les flottés de trames. En raison de son tissage et de son grand âge, il ne peut en aucun cas être nettoyé à sec, et encore moins à l’eau qui est l’un des grands ennemis des tissus anciens !

Puis, tous les éventails, fleurs et rubans marron foncé et certains vert et jaune sur la moitié inférieure du dos, sont recouverts d’une crêpeline teinte à la couleur pour protéger les fils de soie restants des frottements et ainsi éviter leur perte.

Ces ajouts découpés à la forme au scalpel, sont maintenus par des points réalisés à la main, avec du fil d’organsin ton sur ton. Ils permettent de redessiner les contours des motifs et de rehausser leurs teintes.

Enfin, les plis marqués sont remis à plat, les coutures ouvertes sont fermées et les fils soulevés ou libres sont maintenus par des points droits ou de restauration, réalisé manuellement, toujours avec un fil d’organsin.

Restauré et préparé pour être présenté verticalement, de dos et ouvert sur son support, ce témoin de la culture japonaise est prêt à rejoindre l’exposition Japon : Archipel des Arts au musée Crozatier, avant de revenir à l’abris des réserves. En effet, comme tout textile ancien, son temps d’exposition est limité et se plie à un rythme strict et précis de rotation, pour le préserver le plus longtemps possible.

Robe composée d’un caraco, d’un jupon et de sa jupe de dessus, France, entre 1785 et 1790 MT 29796. Achat auprès de Tony Martel, 1913
© Lyon, musée des Tissus et des Arts décoratifs — Sylvain Pretto
Reconstitution du caraco en 2001
© Lyon, musée des Tissus et des Arts décoratifs — Pierre Verrier

LE DESTIN D’UNE ROBE DU XVIIIe AU XXIe SIECLE

Les robes dites «  parées » ont connu un grand engouement dans les années 1780-1785, encouragé par les marchandes de modes qui pouvaient ainsi exercer leurs talents sur des productions luxueuses. Les parements deviennent l’élément marquant des toilettes, au détriment des riches soieries brochées, remplacées par des étoffes plus simples.


  ROBE COMPOSÉE D’UN CARACO, D’UN JUPON ET DE SA JUPE DE DESSUS

Cette robe a été confectionnée dans un pékin uni dont la simplicité contraste avec la richesse des ornements – broderies, falbalas en gaze, fleurs, paillettes et perles de verre – qui décorent le jupon et la jupe ouverte.

Ces trois pièces semblent avoir été retaillées dans une robe à la française avec un pli plat dans le dos pour se rapprocher d’une silhouette des robes à l’anglaise.

Les fleurs brodées dans le style de Pillement, selon la technique de la peinture à l’aiguille, ornent le bas du jupon et les côtés de la jupe, les grandes compositions fleuries sont complétées d’un simple semis. Les bordures en falbalas sont réalisées dans une gaze de soie plissée, garnie de fleurs obtenues par des applications de soie peinte.

Ce décor est maintenu au bord du jupon, devant et sur les côtés, par des fleurs délicatement découpées dans du satin gaufré et peint à la gouache. Les plis en gaze de soie sont repris très discrètement au niveau des coudes du caraco qui présente une coupe extrêmement simple.

Détail - Robe composée d’un caraco, d’un jupon et de sa jupe de dessus, France, entre 1785 et 1790 MT 29796. Achat auprès de Tony Martel, 1913
© Lyon, musée des Tissus et des Arts décoratifs — Sylvain Pretto

  DE LA COUTURIÈRE AU MUSÉE, UNE HISTOIRE DE TRANSFORMATIONS, D’ADAPTATIONS ET D’INVENTIONS

La robe est, par sa facture, une pièce d’apparat dont les transformations témoignent de pratiques largement répandues au XVIIIe siècle.

Les différentes traces de modifications qui nous parviennent inscrivent ce vêtement dans l’histoire du réemploi, d’abord intergénérationnel, les mères léguant à leurs filles leurs toilettes, mais aussi de classe puisque les domestiques recevaient également en héritage les vêtements de leurs maîtres.

La forme du caraco soulève de nombreuses questions car elle évoque un corsage à la polonaise, en vogue dans les années 1780, ce qui renforce l’hypothèse de la datation. Celui-ci se porte avec une robe à l’anglaise, plus décontractée et moins noble que le décor de la jupe ne le suggère. Le changement de style de la robe pourrait donc être le résultat d’un changement de propriétaire et donc d’utilisation : d’apparat, la robe devient un objet plus quotidien, elle pourrait aussi avoir été utilisée plus tard avec la vogue des bals costumés du XIXe siècle alors que les manches conservaient des traces d’agrandissement des manches, ajouts beaucoup plus tardifs.


  L’HISTOIRE DE SA RESTAURATION

Le jupon et de sa jupe de dessus ont fait l’objet d’une restauration au musée par l’équipe de Marie Schoefer en 2001, mais à cette date le caraco, inscrit à l’inventaire, demeure introuvable.

Une étude matérielle et comparative du costume, dans l’objectif d’identifier son contexte de création, son utilisation et sa forme originelle, est alors lancée. Afin de préserver l’intégrité de la robe et de pouvoir la présenter au public, la décision est prise de la doter d’un nouveau caraco dont la forme est inspirée d’autres pièces de la collection et de gravures d’époque. Le décor des broderies est imprimé au jet d’encre sur une toile inspirée du pékin qui sert à confectionner un nouveau vêtement. La silhouette finale s’inspire d’une robe à l’anglaise.

En 2017, le haut de la robe est redécouverte dans les réserves avec d’autres vêtements dans une enveloppe, le lien est fait grâce aux décors des broderies, car la coupe s’avère très différente et beaucoup plus simple que la reconstitution, imaginée en 2001.

Restauré en 2024, ce caraco révèle de nombreuses traces d’usage et de modifications – agrandissement ou modification des manches – qui ne permettent pas de connaître sa forme originelle exacte, mais témoignent d’un usage continu entre le XVIIIe et le XIXe siècle. L’hypothèse, formulée en 2001, d’une robe à la française coupée pour créer un caraco à la fin du XVIIIe siècle se confirme.

En cours de restauration-2024

Bibliographie : Baumgarten Linda, What clothes reveal. The Language of CLothing in Colonial and Federal America, The colonial Williamsburg Collection, Williamsburg, Virginia, Yale University Press, New Haven & London, 2002.