Nicole Giroud, Jérôme Galvin, Daniela Schlagenhauf
Ensemble de céramiques contemporaines
Ces quatre pièces illustrent plusieurs des tendances de la céramique contemporaine, inspirées par la matière textile, tout en faisant échos aux pièces de céramiques de la collection des arts décoratifs
De la porcelaine au textile, l’art de modeler la matière
Le travail de Jérôme Galvin fait référence aux motifs traditionnels avec la réinterprétation des décors du XVIIIe siècle. Tandis que les "textiles-porcelaines" de Nicole Giroud et de Daniela Schlagenhauf recherchent, par l’emploi direct ou indirect (porcelaine cellulosique) de tissu dans le processus de fabrication, à traduire les mouvements d’un textile, comme les plis et replis voire les armures.
Nicole Giroud, une exploratrice de la matière
Formée à la céramique au lycée de Sèvres, dans l’atelier de Françoise Bizette, Nicole Giroud y découvre les multiples possibilités de l’argile. Installée dès 1962 à Paris, elle utilise le grès et réalise des oeuvres architecturales.
En 1972, ses moulages de rochers érodés aboutissent à des sculptures, et ce n’est qu’en 1975 qu’elle adopte la porcelaine.
La pièce monochrome Repliement n° 144, réalisée en 1976, est emblématique de ce tournant. En argile tréfilée, la matière sous pression est découpée en lanière avant d’être insérée dans une forme moulée.
Pionnière, elle associera, dans les années 1980, la porcelaine à du textile. Maîtrisant comme nulle autre la technique dite du "trempage", elle obtient des effets de drapés, effaçant l’intervention de la main et libérant la matière des lois de la pesanteur.
Même si ce procédé a été inventé à Berlin au XIXe siècle pour orner avec du tulle les vêtements des petites marquises en porcelaine, la pratique de Nicole Giroud relève du défi, tant par la différence d’échelle que par les contraintes imposées.
La pièce intitulée Bambous n° 1, réalisée en 1984, découle des travaux lancés dès 1979 où le tissu imprégné de barbotine est calciné à la cuisson. Le textile brûle intégralement sans laisser de cendre et la matière est ainsi transmutée : le minéral a pris le pas sur le végétal. Les piliers, en forme de bambous, servent à la tenue du drapé pendant la cuisson et participent finalement à l’esthétique générale mettant en valeur, par opposition formelle, la fluidité du textile suspendu.
Aux sources de l’inspiration de Daniela Schlagenhauf
C’est dans son atelier ouvert en 1980, que d’un heureux hasard à une vision, est né une pratique artistique :
"[…] j’ai VU le torchon qui était jeté sur la table que j’allais ramasser pour l’accrocher – cette façon de le voir était différente, je l’ai vu comme une sculpture, l’élégance des plis et me suis dit que le mouvement là venait de la matière même, et que ma glaise ou mieux encore la porcelaine pouvait bouger elle-même ainsi "
Cet événement constitue le point de départ d’un geste répété jusqu’à dominer les imprévus autour de la restitution des plis et des replis.
Cette référence au textile conduit la céramiste à porter son attention aux possibilités de la matière elle-même, de montrer le mouvement qui vient de la matière et donne la forme. Attachée au texte et liée à sa pratique de l’écriture, elle couvre également de signes les plaques de porcelaine.
Créée en 2021, Sculpture est réalisée en porcelaine avec des incrustations de bandes de porcelaine teintée dans la masse. Elle appartient au cycle de création Impermanence initié par une série de 2017, dans lequel, selon les mots de l’artiste, "[l]a trame de récit s’est fait trame de tissus lovés sur eux-mêmes, s’enroulant sous un vent fort."
* Schlagenhauf, 2019, cf. fiche artiste – note d’intention
Jérôme Galvin, la céramique, une matière à réinterprétation
Présenté en 2019 lors de l’exposition monographique La Fierté grotesque au musée de la Faïence de Moustiers-Sainte-Marie, Le Mur définit la pratique de Jérôme Galvin qui, depuis les années 2000, s’attache à réinterpréter, non sans malice, les répertoires ornementaux historiques de la céramique.
L’artiste réintroduit les principaux composants des grotesques très animés qui ont rendu célèbre la manufacture Olerys-Laugier (située à Moustiers, centre faïencier depuis la fin du XVIIe siècle) dont le décor des pièces est étagé en saynètes.
Les motifs végétaux et animaux qui forment les poncifs traditionnels sont également reconnaissables : petits massifs de fleurs, héron et insecte. Sont en revanche subtilisés, les personnages typiques aux profits d’un Tyrannosaurus Rex et d’une basket. Symboles de la pop culture, graffiti et Street art, motifs de broderie et plus fortement le tatouage sont les univers graphiques que Galvin convoque et fusionne.
Si dans son travail le répertoire de Moustiers demeure un élément emblématique, son exploration de l’histoire de la céramique ne se limite pas à la faïence française : on lui connait désormais des bleus blancs faisant référence à la porcelaine Extrême-orientale ou des motifs de fleurs stylisées inspirés d’Iznik.
REMERCIEMENTS
Grâce à la générosité de Denise et Michel Meynet, cette pièce, aux côtés de trois autres céramiques d’artistes illustrant plusieurs tendances contemporaines, ainsi qu’une trentaine de coiffes en provenance d’Ouzbékistan, ont intégré les collections en 2024.
Leur geste s’inscrit dans l’histoire du musée des Tissus et des Arts décoratifs, et nous tenons à leur exprimer, notre profonde gratitude.