EXPOSITION "SUR UN FIL OU L’ART DE SE VÊTIR AU MOYEN ÂGE"
Musée de Saint Antoine de l’Abbaye, du 07 juillet au 11 novembre 2024
INFORMATIONS PRATIQUES
Exposition "Sur un fil ou l'art de se vêtir au Moyen Âge"
Du 07 juillet au 11 novembre 2024
Musée de Saint-Antoine-l'Abbaye
Le Noviciat - 38160 Saint-Antoine-l'Abbaye
Avec travers le prêt de pièces textiles, le musée des Tissus et des Arts décoratifs contribue à remonter le fil temps pour découvrir l’art de se vêtir au Moyen Âge.
Véritable marqueur social au Moyen Âge, le vêtement distingue l’individu qui le porte par les matières, les couleurs, la nature même des textiles sans oublier les accessoires : chaussures, bijoux, fourrures. Au sein de cette exposition, un Occident multiple et bigarré se dévoile, où parures et étoffes sont bien plus qu’une question d’apparence. Objets d’art, textiles, sculptures mais aussi précieux manuscrits et pièces d’armure se mettent en scène au sein d’une scénographie inédite pour une visite cousue main.
Cette exposition s’inscrit dans le cadre de la saison culturelle « Des habits et nous », portée par le Département de l’Isère.
LES OEUVRES PRÊTÉES
Du tabard en velours de soie ciselé (un vêtement de combattant), au noble gilet de soie d’or et d’argent (un vêtement de cour), à la mitre épiscopale (un accessoire liturgique), en passant par les fragments de soieries décorés d’animaux, de formes géométriques et d’arabesques végétales, les œuvres prêtées se muent en de précieuses reliques textiles pour relater une histoire de l’évolution du rapport au corps et à l’art de le vêtir, au Moyen Âge.
Fragment d'une grande tenture transformé en "tabard"
Le tabard est un manteau d’apparat, orné d’armoiries, dont la forme, courte et ample, avec des manches droites ouvertes, obtenu par l’assemblage de deux pièces rectangulaires, se porte par-dessus l’armure par le héraut, qui représente son prince, lors des tournois et des entrées royales. Dans cet exemple, le velours ciselé, à fond jaune et or et décor rouge, laisse entrapercevoir un aigle bicéphale. Les motifs répartis sur les deux faces du tabard et au niveau des manches représentent les armes du marquisat de Mantoue, sous les Gonzague, et du duché de Ferrare, où règne la famille d’Este. L’alliance entre les deux principautés est entérinée par le mariage de François II, marquis de Mantoue, avec Isabelle d’Este, en 1490. Cette étoffe particulièrement luxueuse a sans doute été tissée à cette occasion. Pour renforcer la richesse du vêtement, le tabard est orné d’un galon en dentelle aux fuseaux, réalisée en fils métalliques, au niveau des coutures latérales et du bord des manches.
Gilet d’enfant
Ce type de vêtement est un témoignage rare des pratiques vestimentaires à la fin du Moyen Âge qui ont perduré durant la Renaissance. Cette veste est tricotée en maille à partir de fils de soie rouge, rehaussée de fils d’or et d’argent formant un décor floral, un travail particulièrement précieux destiné à revêtir un enfant de haut rang. On imagine ce gilet porté sous l’armure, mais en réalité les objets conservés montrent un usage indifférencié entre les deux sexes. Les chercheurs ont avancé l’hypothèse d’une production dans les pays du Nord au sein d’ateliers spécialisés, par un maître tricoteur pour les versions les plus luxueuses, destinées à l’exportation, car ce genre de modèle a été porté dans toute l’Europe et jusqu’en Espagne.
Mitre épiscopale
Cette mitre est confectionnée par un assemblage de différents éléments, témoignant d’une pratique fréquente pour la parure vestimentaire faite de recyclage, tant les étoffes de soie sont des produits luxueux et rares. Le résultat peut sembler hétéroclite entre d’une part le galon aux formes géométriques, obtenues par un tissage aux plaquettes, datant du XIIIe siècle, et d’autre part des broderies, datées du XIVe siècle. Elles représentent des figures à l’intérieur de quadrilobes, pour la partie supérieure des évêques en buste, complétés de végétaux en rinceaux, et pour la partie inférieure des têtes de saints. Les fanons sont également brodés de différents personnages en pied, à l’intérieur d’arcades, illustrant des scènes de la Passion du Christ.
Fragments à décor géométriques et animaliers
Ces fragments sont issus d’une luxueuse étoffe de soie dont la technique, le lampas et le dessin, témoignent de la tradition hispano-mauresque qui caractérise les productions espagnoles. Ces deux vestiges textiles présentent une composition avec des registres en bandes, ornés de formes géométriques d’entrelacs et d’un décor en arabesque se détachant sur un fond rouge (inv. MT 30407) ou un fond bleu (inv. MT 30408). De part et d’autre, une bordure est ornée d’une suite d’animaux stylisés, alternant chien et lion. Cette représentation animalière, très répandue dans les arts, évoque le thème de la chasse, un sujet prisé de l’élite aristocratique.
Fragment à décor de lions dans des panneaux polylobés
Lucques est devenu à la fin du Moyen Âge un important centre de production de soieries où les tisserands ont su combiner dans leurs décors l’influence orientale, arrivée par l’Espagne et le royaume des Deux-Siciles et le naturalisme gothique. Dans cet exemple, le fond quadrillé avec ses lignes brisées alternant à l’intérieur de carrés des ornements de fleurs et de petits dragons, est repris aux soieries en provenance d’Iran, traduisant une inspiration asiatique lointaine. Le motif du lion devant un arbuste dans un médaillon polylobé est en revanche issu de l’iconographie occidentale des animaux et de la nature, diffusée par les recueils d’histoire naturelle et de botanique médicale, illustrés et imprimés comme le Tacuinum sanitatis, de la fin du Moyen Âge ou l’Hortus Sanitatis, paru en 1491. La forme du médaillon, qui se répète au milieu du rapport de dessin, rappelle les décors répandus dans les enluminures et l’orfèvrerie italienne de la même époque.
Fragment à décor d’oiseaux et de lions
Ce fragment de soierie avec ses motifs animaliers en fils d’or révèle l’influence de la Sicile dans les productions des soieries lucquoises, très présente au XIVe siècle. C’est par l’intermédiaire du royaume des Deux-Siciles que les tisserands de Lucques adaptent les décors venus d’Iran, et même de Chine au goût occidental, abandonnant le hiératisme des étoffes byzantines pour une plus grande liberté dans la disposition des motifs. Les animaux ne sont plus affrontés ou adossés, mais ils se suivent, chacun dans son registre, comme ces lions et cet oiseau dont on devine le motif répété. Néanmoins, cette composition demeure très marquée par les emprunts aux arts venus d’Orient : l’oiseau de Paradis, les motifs de grenade stylisée qui scandent la composition et la bande ornée d’arabesques et d’une inscription coufique en fils d’or.